LE NOYAU MÊME EST ENCORE PELURE
Se dépouiller de son moi comme d’un manteau troué. Ce qui ne peut être maintenu doit être abandonné. Il y a des êtres qui ne supportent absolument pas d’abandonner leur moi. Ils croient n’en posséder qu’un seul exemplaire. Mais l’être humain a beaucoup de moi, comme l’oignon a beaucoup de pelures. Un moi de plus ou de moins, cela ne tire pas à conséquence. Le noyau même est encore pelure. C’est incroyable de voir avec quelle ténacité l’homme se cramponne à ses préjugés. Il supporte la plus amère des tortures, uniquement pour ne pas avoir à se livrer. La nature la plus tendre et la plus profonde de l’homme doit être extrêmement fragile, mais sans aucun doute aussi très merveilleuse. Peu de gens arrivent à cette prise de conscience et à cet entendement diffus, car ils ont peur de la vulnérabilité de leur âme. La peur leur interdit le respect vrai.
Ce philosophe qui, avec sa lanterne, était à la recherche d’un être humain ne se trouvait pas encore dans une situation aussi terrible que la nôtre. On ne lui a soufflé ni sa lanterne ni sa propre lumière. On avait cette « bonhomie » d’esprit de le laisser chercher.
Hugo BALL, La Fuite hors du temps, octobre 1915
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