LE BON EXEMPLE
L'homme indécis sur une action qu'il médite, attend souvent un exemple qui l'encourage ; quelque envie qu'il ait de la faire, il ne veut pas être le premier, il attend qu'on lui ouvre le chemin. Aussi voyez, examinez, dans la société, un acte de bienfaisance succède à un acte de bienfaisance, un duel à un duel, un suicide à un suicide, un crime à un crime. L'homme est imitateur ; confrontez attentivement les registres de la police avec ceux de la cour d'assises. et vous verrez que l'assassinat n'est jamais plus fréquent que lorsqu'on vient de condamner un homme pour assassinat ; six mois passés sans meurtre, il faut une âme forte pour en commettre un ; il montre l'exemple, on le suit ; combien qui n'attendaient que cela pour se décider. En sortant de la cour d'assises, on est toujours plus disposé à commettre un crime qu'en y entrant. Il y a ce je ne sais quoi qui diminue l'horreur du crime, en voyant le criminel fait comme un autre homme, lui que l'on s'était peint comme un monstre ; un je ne sais quoi qui fait qu'on n'y trouve plus autant de répugnance, et si l'accusé est ferme, quel encouragement ! Je serai comme lui, se dit-on ; ne suis-je pas homme comme lui ? On s'habitue à cette idée, on ne la chasse plus ; et si le criminel vient à démontrer que c'est la société qui a tort avec lui, chacun se dit : Elle a tort aussi avec moi ; pourquoi la ménagerais-je plus que lui ? pourquoi craindrais-je plus que lui ? Tout cela est dans l'homme ; osez me dire que non, je vous dirai que vous ne le connaissez pas.
Pierre François LACENAIRE, Mémoires et révélations, 1836
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