GUATEMALA (POTLATCH, 22 juin-20 juillet 1954
Une fois de plus Foster Rockett Dulles vous appelle aux armes : le Guatemala a exproprié l’« United Fruit », trust qui exploitait depuis 1944 la gomme et les habitants de ce pays pour en tirer l’indispensable chewing-gum.
Le dieu des Armées anticommunistes s’est exprimé en ces termes : « Pour écarter ces forces du mal, il faut recourir à une action pacifique et collective. » L’action est en cours : les armes made in U.S.A. sont déjà livrées au Honduras et au Nicaragua réactionnaires ; des complots sont suscités à grands coups de dollars ; l’Amérique repart pour la Croisade.
Jusque dans le détail, on reprend les méthodes qui ont détruit l’Espagne républicaine.
Mais à Bogota, les étudiants manifestent sous le feu des tanks, et le mouvement révolutionnaire du Guatemala apparaît comme la seule chance de la liberté sur ce continent.
Le gouvernement de J. Arbenz Guzman doit armer les ouvriers.
Aux sanctions économiques, aux attaques militaires de l’impérialisme, il faut répondre par la guerre civile portée dans les pays asservis d’Amérique centrale, et par l’appel aux volontaires d’Europe.
Paris, le 16 juin 1954
pour l’Internationale lettriste :
André-Frank CONORD,
Mohamed DAHOU,
Guy-Ernest DEBORD,
Jacques FILLON,
Patrick STRARAM,
Gil J WOLMAN.
Internationale lettriste, « Leur faire avaler leur chewing-gum », Potlatch. Bulletin d'information du groupe français de l'Internationale lettriste, numéro 1, 22 juin 1954 (Rédacteur en chef : André-Frank CONORD ; Rédaction : Mohamed DAHOU, Guy-Ernest DEBORD, Jacques FILLON, Patrick STRARAM, Gil J WOLMAN)
II.
Le 30 juin, le gouvernement guatémaltèque dont s’est emparé la veille un colonel Monzon, capitule devant l’agression montée par les États-Unis, et leur candidat local C. Armas.
Même les plus imbéciles meneurs des bourgeoisies européennes comprendront plus tard à quel point les succès de leurs « indéfectibles alliés » les menacent, les enferment dans leur contrat irrévocable de gladiateurs mal payés du « american way of life », les condamnent à marcher et à crever patriotiquement dans les prochains assommoirs de l’Histoire, pour leurs quarante-huit étoiles légèrement tricolores.
Depuis l’assassinat des Rosenberg, le gouvernement des États-Unis semble avoir choisi de jeter chaque année, en juin, un défi saignant à tout ce qui, dans le monde, veut et sait vivre librement.
La cause du Guatemala a été perdue parce que les hommes au pouvoir n’ont pas osé se battre sur le terrain qui était vraiment le leur.
Une déclaration de l’Internationale lettriste (Leur faire avaler leur chewing-gum) en date du 16 juin – trois jours avant le pronunciamiento – signalait qu’Arbenz devait armer les syndicats, et s’appuyer sur toute la classe ouvrière de l’Amérique centrale dont il représentait l’espoir d’émancipation.
Au lieu d’en appeler aux organisations populaires spontanées et à l’insurrection, on a tout sacrifié aux exigences de l’armée régulière, comme si, dans tous les pays, l’armée n’était pas essentiellement fasciste, et toujours destinée à réprimer.
Une phrase de Saint-Just a jugé d’avance les gens de cette espèce :
« Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau... »
Le tombeau est ouvert aussi pour nos camarades du Guatemala – dockers, camionneurs, travailleurs des plantations – qui ont été livrés sans défense, et qu’on fusille en ce moment.
Après l’Espagne ou la Grèce, le Guatemala se range parmi les contrées qui attirent un certain tourisme.
Nous souhaitons de faire un jour ce voyage.
pour l’Internationale lettriste :
M.-I. BERNSTEIN,
André-Frank CONORD,
Mohamed DAHOU,
G.-E. DEBORD,
Jacques FILLON,
Gil J WOLMAN.
Internationale lettriste, « Le Guatemala perdu », Potlatch. Bulletin d'information du groupe français de l'Internationale lettriste, numéro 3, 6 juillet 1954
– Le général Carlos Castillo Armas, chef des insurgés qui ont remporté la victoire au Guatemala, a été nommé président de la junte militaire.
– Castillo Armas définit sa politique : « La justice du peloton d’exécution. »
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