Monday, June 09, 2008

TOUT ORDRE NEUF (J. FILLON, 24 février 1955)


Tout ordre neuf est considéré comme un désordre et traité comme tel. Les premiers essais de « métagraphie libérée » furent effectués par G.-E. Debord et moi-même durant l’automne 1951.

Convaincus que nous étions sur la bonne voie par quelques succès probants, nous persévérâmes et obtînmes en octobre dernier, trois ans après presque jour pour jour, les résultats tangibles que nous escomptions. Ces résultats, encore bien loin de nous satisfaire complètement, nous ont cependant permis de faire un grand pas dans l’évolution de la forme.

Malgré sa puissance intrinsèque de rayonnement, l’écométagraphie inhérente à la matière restait jusqu’à ce jour absolument spécifique. Plus généralement employée sous l’appellation tronquée de « métagraphie », l’écométagraphie est la discipline considérant l’art métagraphique comme une branche de l’économie et son œuvre comme un simple bien échangé pour d’autres biens dans un circuit intégral de marchandises – Notre but était de la rendre volatile et d’élargir son champ par la volonté même de l’image, et non par un caprice expérimental.

Le terrain envisagé pour la première expérience fut plat et caractérisé par l’absence de corps supra-naturels (ces deux conditions ne devront évidemment jamais être absolues). Le problème du jeu de l’ombre et de la lumière, base de toute métagraphie tridimensionnelle, se pose immédiatement ; la luminosité employée à cet effet doit être intensive et soutenue. Le premier écueil réside donc dans la captation des polarisants ; il peut être résolu par le procédé de l’héliographie qui permet d’obtenir, à certaines heures et suivant le méridien, une amplitude normalisée suffisamment vaste, et à partir de laquelle on peut effectuer avec satisfaction une première simplification des éléments.

Pour plus de compréhension de ce qui va suivre, je prendrai une amplitude étalon normalisée de (10) (15). Imaginant que dans ce premier cas la normalisation soit réalisée par un moyen artificiel plus maniable (infra-rouge sur-puissant, ultra-violet, etc.), j’obtiens après simplification des éléments un plan polarisé de 150 m2. D’ores et déjà je peux intégrer les clefs sensorielles correspondantes à la structure géologique, que j’appellerai pour l’exemple qui nous intéresse structure « sculptographique » La sculptographie est évidemment le travail le plus intéressant, mais aussi le plus délicat. Chaque élément nouveau inséré devra répondre parfaitement à la projection que l’on désire obtenir : ombre portée ou image. Ils doivent être absolument indépendants entre eux, le premier du second, le troisième du quatrième, et ainsi de suite jusqu’à concurrence de six, maximum que peut supporter une surface de 150 m2.

Ce nombre de six clefs sensorielles n’est pas choisi au hasard, les différentes expériences qui motivèrent ce choix, je le rappelle, furent réalisées par le procédé de l’héliographie, donc en plein air ; procédant sous l’abri, l’on doit tenir compte d’une atténuation de 30 % ce qui représente environ 72 à 75 décibels. Une amplification appréciable ne pouvant déjà être envisagée, on a intérêt à travailler sous une polarisation réduite, afin que la diminution de l’amplification aux fréquences élevées ne soit pas trop grande. (Le néon ordinaire doit pouvoir amplifier uniformément toutes les fréquences.) Il est donc normal de calculer la hauteur des normalisateurs en fonction de la surface polarisée.

Cette première partie ou « période intentionnelle » terminée, la créativité multiplicatrice sera réalisée comme habituellement sur l’écométagraphie primaire plane, en tenant évidemment compte de sa nouvelle trivalence.

Dans un prochain numéro de Potlatch j’entreprendrai les révolutions économiques qu’entraînent la découverte et l’évolution de la métagraphie libérée ou tridimensionnelle.

Jacques FILLON, « Tout ordre neuf », Potlatch. Bulletin d'information du groupe français de l'Internationale lettriste, numéro 17, 24 février 1955 (Rédacteur en chef : M. DAHOU, 32 rue de la Montagne-Geneviève, Paris 5e.

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