Friday, March 23, 2007

VERS UN AUTRE AMPLIQUE



Prolégomènes à tout cinéma futur


L'amour n’est valable que dans une période pré-révolutionnaire.

J’ai fait ce film pendant qu’il était encore temps d’en parler.

Il s’agissait de s’élever avec le plus de violence possible contre un ordre éthique qui sera plus tard dépassé.

Comme je n’aime pas écrire, je manque de loisirs pour une œuvre qui ne serait pas éternelle : mon film restera parmi les plus importants dans l’histoire de l’hypostase réductionnelle du cinéma par une désorganisation terroriste du discrépant.

La ciselure de la photo et le Lettrisme (éléments donnés) sont ici envisagés comme expression en soi de la révolte.

La ciselure barre certains moments du film qui sont les yeux fermés sur l’excès du désastre. La poésie lettriste hurle pour un univers écrasé.

Le commentaire est mis en question par :

La phrase censurée, où la suppression de mots (cf. Appel pour la destruction de la prose théorique) dénonce les forces répressives.

Les mots épelés, ébauche d’une dislocation plus totale.

La destruction se poursuit par un chevauchement de l’image et du son avec :

La phrase déchirée visuelle-sonore, où la photo envahit l’expression verbale.

Le dialogue parlé-écrit, dont les phrases s’inscrivent sur l’écran, continuent sur la bande sonore, puis se répondent l’un à l’autre.

Enfin, je parviens à la mort du cinéma discrépant par le rapport de deux non-sens (images et paroles parfaitement insignifiantes), rapport qui est un dépassement du cri.

Mais tout ceci appartient à une époque qui finit, et qui ne m’intéresse plus.

Les valeurs de la création se déplacent vers un conditionnement du spectateur, avec ce que j’ai nommé la psychologie tridimensionnelle, et le cinéma nucléaire de Marc,O. qui commence un autre amplique.

Les arts futurs seront des bouleversements de situations, ou rien.


Guy Ernest DEBORD, « Prolégomènes à tout cinéma futur », Ion. Centre de Création, no1, avril 1952

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