L'ESPRIT PROCÈDE PAR INVENTIONS BOULEVERSANTES
Les idées, les volontés et les sentiments, ne sont que des modalités d'une chose unique que nous nommons l'esprit.
Nulle fissure ne les sépare, à une certaine profondeur.
Et les rapports qu'ils entretiennent entre eux, et dont nous vivons, ces substitutions, ces transfigurations, ces antagonismes, -- ces servitudes et ces révoltes, sont trop complexes pour emprunter à la mécanique abstraite quelque lumière.
Notons encore, qu'à la faveur de ces vues renouvelées, ce que nous avons nommé : ''sentiments" ou "états affectifs" prend un rôle d'importance capitale. Et n'est-ce pas une manière de rappeler ici les interventions étonnantes de la musique dans ce monde touffu des choses qui nous gouvernent ?
L'essentiel à prendre en considération, c'est que l'esprit, sous quelque modalité qu'il nous sollicite, tend invariablement à s'épanouir en actes qui le justifient.
L'action apparaît ainsi comme sa condition et son retentissement inéluctables.
Et puisque c'est une nécessité pour nous que d'inventer des images, que de procéder par analogie, nous ne pouvons mieux faire, s'il s'agit du développement de la marche de l'esprit, que de l'imaginer à la faveur d'une succession d'envoûtements ou de charmes, tour à tour acceptés, refusés ou rompus.
Parmi les puissances capables d'envoûter l'esprit, puissances qu'il lui importe de subir et contre quoi il importe qu'il se révolte : poésie, peinture, spectacles, guerre, misère, débauche, révolution, toute la vie doublée de mort, est-il possible, parmi ces puissances, de refuser à la musique une place peut-être importante ? D'où les espoirs et les craintes particulières dont elle ne cesse , pour nous, d'être l'objet.
L'esprit procède par inventions bouleversantes. Et que l'on ne s'empresse pas de songer aux inventions proprement intellectuelles.
D'autres espaces nous sont ouverts.
Il est temps de se rendre compte que nous sommes capables aussi d'inventer des sentiments, et peut-être des sentiments fondamentaux comparables en puissance à l'amour ou à la haine.
Paul NOUGÉ, Conférence de Charleroi, 20 janvier 1929
0 Comments:
Post a Comment
<< Home