EXERCICE DE LA PSYCHOGÉOGRAPHIE VIII : SAINT-JUST
Un peu psychogéographique dans la politique*
Un homme révolutionnaire est inflexible, mais il est sensé, il est frugal ; il est simple sans afficher le luxe de la fausse modestie ; il est l'irréconciliable ennemi de tout mensonge, de toute indulgence, de toute affectation. Comme son but est de voir triompher la Révolution, il ne la censure jamais, mais il condamne ses ennemis sans 1'envelopper avec eux ; il ne l'outrage point, mais il l'éclaire ; et, jaloux de sa pureté, il s'observe quand il en parle, par respect pour elle ; il prétend moins d'être l'égal de l'autorité qui est la loi, que l'égal des hommes, et surtout des malheureux. Un homme révolutionnaire est plein d'honneur ; il est policé sans fadeur, mais par franchise, et parce qu'il est en paix avec son propre cœur ; il croit que la grossièreté est une marque de tromperie et de remords, et qu'elle déguise la fausseté de l'emportement. Les aristocrates parlent et agissent avec tyrannie. L'homme révolutionnaire est intraitable aux méchants, mais il est sensible ; il est si jaloux de la gloire de sa patrie et de la liberté, qu'il ne fait rien inconsidérément ; il court dans les combats, il poursuit les coupables et défend l'innocence dans les tribunaux ; il dit la vérité afin qu'elle instruise, et non pas afin qu'elle outrage ; il sait que, pour que la Révotution s'affermisse, il faut être aussi bon qu'on était méchant autrefois ; sa probité n'est pas une finesse de l'esprit, mais une qualité du cœur et une chose bien entendue. Marat était doux dans son ménage, il n'épouvantait que les traîtres. Jean- Jacques Rousseau était révolutionnaire et n'était pas insolent sans doute : j'en conclus qu'une homme révolutionnaire est un héros de bon sens et de probité.
Louis SAINT-JUST, Fragments sur les Institutions républicaines, 1793
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Citoyens, je vous présente, au nom du Comité de Salut public, le mode d’exécution du décret rendu le 8 de ce mois contre les ennemis de la Révolution.
C’est une cause très généralement sentie, que toute la sagesse d’un gouvernement consiste à réduire le parti opposé à la Révolution et à rendre le peuple heureux aux dépens de tous les vices et de tous les ennemis de la liberté. C’est le moyen d’affermir la Révolution que de la faire tourner au profit de ceux qui la soutiennent et à la ruine de ceux qui la combattent.
Identifiez-vous par la pensée aux mouvements secrets de tous les cœurs, franchissez les idées intermédiaires qui vous séparent du but où vous tendez. Il vaut mieux hâter la marche de la Révolution que de la suivre au gré de tous les complots qui l’embarrassent, qui l’entravent. C’est à vous d’en déterminer le plan et d’en précipiter les résultats pour l’avantage de l’humanité.
Que le cours rapide de votre politique entraîne toutes les intrigues de l’étranger. Un grand coup que vous frappez retentit sur te trône et sur le cœur de tous les rois. Les lois et les mesures de détail sont des piqûres que l’aveuglement endurci ne sent pas.
Faites-vous respecter, en prononçant avec fierté la destinée du peuple français; vengez le peuple de douze cents ans de forfaits contre ses pères.
On trompe les peuples de l’Europe sur ce qui se passe chez nous. On travestit vos discussions. Mais on ne travestit point les lois fortes; elles pénètrent tout à coup les pays étrangers comme l’éclair inextinguible.
Que l'Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur ! Le bonheur est une idée neuve en Europe.
Je vous propose le décret suivant :
Article PREMIER. – Toutes les communes de la République dresseront un état des patriotes indigents qu’elles renferment, avec leurs noms, leur âge, leur profession, le nombre et l’âge de leurs enfants. Les directoires de district feront parvenir, dans le plus bref délai, ces états au Comité de salut public.
Art. 2. – Lorsque le Comité de salut public aura reçu ces états, il fera un rapport sur les moyens d’indemniser tous les malheureux avec les biens des ennemis de la Révolution, selon le tableau que le Comité de sûreté générale lui en aura présenté et qui sera rendu public.
Art. 3. – En conséquence, le Comité de sûreté générale donnera des ordres précis à tous les Comités de surveillance de la République, pour que, dans un délai qu’il fixera à chaque district selon son éloignement, ces Comités lui fassent passer respectivement les noms, la conduite de tous les détenus, depuis le 1er mai 1789. Il en sera de même de tous ceux qui seront détenus par la suite.
Louis SAINT-JUST, Sur le mode d'exécution du décret contre les ennemis de la Révolution. Prononcé devant la Convention le 3 mars 1794
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* La Terreur est dépaysante
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