Friday, March 23, 2007

LA FORCE DE L'ESPRIT EST SEULEMENT AUSSI GRANDE QUE SON EXTÉRIORISATION



Or le contenu le plus élevé que le subjectif soit capable de concevoir est celui de la liberté, qui est la détermination la plus haute de l’esprit. Au point de vue formel, d’abord, en ce que le sujet ne voit dans ce qui l’entoure rien qui lui soit étranger, aucune limite ni barrière, mais s’y retrouve lui-même. Déjà envisagée à ce point de vue, purement formel, la liberté signifie la disparition de toute misère et de tout malheur, la conciliation du sujet avec le monde, devenu une source de satisfactions, et la disparition de toute opposition ou contradiction. Mais la liberté a aussi un contenu rationnel : la moralité, par exemple, dans les actes, la vérité dans la pensée. Mais tant que la liberté reste subjective, sans s’extérioriser, le sujet se trouve en présence de ce qui n’est pas libre, de ce qui n’est qu’objectivité et nécessité naturelle, d’où le besoin de concilier cette opposition. Une opposition analogue se trouve, d’autre part, à l’intérieur du sujet lui-même. En parlant de liberté, il faut tenir compte, d’une part, de ce qui est en soi universel et indépendant, telles les lois générales du juste, du beau, du vrai, etc., et, d’autre part, des instincts de l’homme, de ses sentiments, de ses dispositions, de ses passions, bref, de tout ce qu’abrite le coeur concret de l’homme individuel. Entre ces termes opposés se poursuit une lutte incessante, source de désespoirs, de profond sentiment d’insatisfaction. Les animaux vivent en paix avec eux-mêmes et avec les choses qui les entourent, mais la nature spirituelle de l’homme fait qu’il vit dans un état de dédoublement et de déchirement et se débat au milieu des contradictions engendrées par cet état.


G.W.F. HEGEL, Esthétique, 1835

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