DE L'AMBIANCE SONORE DANS UNE CONSTRUCTION PLUS ÉTENDUE (J. FILLON, 30 juin 1955)
De l’inspiration originelle et simultanée des primitifs à la symphonie conditionnée, l’art musical a exploité toutes les veines instrumentales.
Mais, tels les arts majeurs, la musique n’a su éviter l’empirisme : phases de transcription et d’imitation (les éléments déchaînés, vent, océan, etc., l’arche de Noé, et plus récemment les multiples pseudo-reproductions du matériel ferroviaire), plaisanteries qui perdirent tout leur sel à l’apparition du premier phonographe, puisque dès lors s’offrait la possibilité d’entendre de vrais animaux ou une vraie locomotive, si l’on tenait vraiment à en entendre, au lieu de tenter de l’exprimer d’une manière plus ou moins confuse.
Le retour aux primitifs, en faisant appel à certaines formes de jazz, paracheva la décadence ; depuis Satie la musique survivait en tant que distraction facile, ou en tant que métier. Mais la faillite arriva à un stade tel que l’on assista à une course aux nouveaux instruments, ou le plus souvent à la complication de ceux existant. La progression artistique, au lieu de s’effectuer dans le sens de la création simultanée, s’était abâtardie par des apports médiocres tendant à la spécialisation.
Il faut dès le commencement des notions plus subtiles. La création consiste dans la recherche des sujets accessibles aux nouveaux matériaux, c’est-à-dire dans la trouvaille de prétextes inusités.
La composition réside dans la poursuite des expressions futures, plus proches des sujets qui, de ce fait, sauront les exprimer plus activement.
La composition réside dans la poursuite des expressions futures, plus proches des sujets qui, de ce fait, sauront les exprimer plus activement.
L’élaboration assumera l’acquisition de SONS inouïs. Il y aura la faculté d’écouter, parce que l’attention ne devra plus se fixer pour la compréhension, mais pour saisir la beauté jusque-là restée hermétique. Aux entités musicales habituelles succéderont des séquences syncopées mettant en valeur des vibrations choisies pour leur cadence, leur intensité, ou leur timbre. La cohérence harmonique et le synchronisme aisé sont autant de facteurs parasitaires qu’il faudra abolir. Mais est-ce de la musique ? Telle sera la question posée, la nouveauté apportant chaque fois avec elle ce sentiment de violation, de sacrilège – ce qui est mort est sacré, mais ce qui est neuf, c’est-à-dire différent, voilà qui est pernicieux.
Non, ce n’est plus de la musique. Le règne du cornet à piston a pris fin en même temps que celui du tailleur de pierre.
La différence entre les arts augmente la confusion. Aussi ne distinguera-t-on plus les arts forts, mais un art maître les absorbant : l’art du béton par exemple. Dans le même ordre la nouvelle architecture déterminera une plastique sonore (par l’emploi des ondes moléculaires) qui s’identifiera au décor. On assistera alors à la découverte de climats bouleversants.
L’art n’est plus une belle chose rendue par des moyens, mais de beaux moyens qui rendent occasionnellement quelque chose.
Jacques FILLON, « De l'ambiance sonore dans une construction plus étendue », Potlatch. Bulletin d'information du groupe français de l'Internationale lettriste, numéro 21, 30 juin 1955 (Rédacteur en chef : M. DAHOU, 32 rue de la Montagne-Geneviève, Paris 5e.)
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