RÉPÉTITION ET NOUVEAUTÉ DANS LA SITUATION CONSTRUITE (Uwe LAUSEN, Janvier 1963) + VAEK MED KUNSTSPECIALISTERNE (U. LAUSEN, 1962)
Par quoi peut-on distinguer l'avant-garde de ses suiveurs ? Et par quels moyens peut-on obtenir des modifications, où que ce soit ? C'est par l'expérimentation. L'expérience apparaît non-dirigée, inconsciente, privée de sens, spontanée. L'expérience devient consciente avec sa première répétition, quand elle peut décrite et analysée. on doit décider alors si cette répétition est « valable » ou non. Si le choix est positif, la description de l'expérience sera érigée en règle du jeu, l'expérience en jeu.
Il n'y a pas de jeu sans répétition. On a constaté que la culture, dans sa décadence, n'avait plus la moindre puissance dans l'expérimentation. Mais cette décadence trouve sa fin dans la redécouverte des jeux. Le jeu humain est constitué par la répétition d,une situation. Une situation peut advenir (quand les facteurs de sa construction ne sont pas entre nos mains). Ceci est le jeu de la répétition d'une donnée. Une situation peut être créée expérimentalement (quand les facteurs de sa construction sont à notre disposition). ceci est le jeu de la répétition d'une expérience.
Nous voulons l'expérimentation, parce que nous voulons des jeux nouveaux. Les joueurs sont aussi des plagiaires (nous ne sommes pas contre les plagiaires). ceux qui font des expériences dans la vie quotidienne constituent aussi l'avant-garde révolutionnaire 9nous sommes cette avant-garde). Un plagiaire spécialisé ne sait rien expérimenter Un révolutinnaire spécialisé ne sait pas jouer. celui qui veut se spécialiser uniquement dans les jeux nouveaux ne sait pas jouer.
Une révolution aujourd'hui ne peut être rien d'autre qu'une critique de la révolution (comme spécialisation séparée). Cette critique de la révolution doit avoir le sens d'une défense du jeu, Un révolutionnaire qui joue incarne la contradiction dialectique. Le révolutionnaire spécialisé bloque cette contradiction, en devenant nouveau pouvoir séparé. Il existe différentes possibilités, pour répondre à la vie : le suicide, l'abrutissement, l'expérimentation et le jeu. Le suicide et l'abrutissement sont les possibilités qui sont offertes par la société actuelle. Peut-on aboutir à des moments où le choix serait ouvert sur les expériences et les jeux ? Ce qui se ramène à la question : comment peut-on faire une révolution ludique ?
Nous ne sommes pas contre le conditionnement : une certaine sorte de conditionnement est inévitable. Mais nous voulons arracher aux institutions qui travaillent à la réduction des hommes, les instruments de conditionnement dont elles disposent. en effet, il n'existe pas d'autre possibilité, pour la libération de nos rêves emprisonnées, que l'appropriation, par nous-mêmes, des facteurs de notre conditionnement. C'est alors que nous pourrons explorer des domaines que jusqu'ici nous avons seulement pressentis. Mais ces explorations nous mèneront aussi bien à la rencontre de ce qui est le plus anciennement connu : à de vieilles formes chargées de nouveaux contenus, comme à d'anciens contenus dans des cadres nouveaux.
Un de mes amis reçoit ses invités dans des pièces complètement vides. en plus, il met à leur disposition un assortiment considérable d'installations « utiles » - lit, armoire, table, chaise - et d'objets indéfinissables dépourvus de tout caractère utilitaire. ces invités peuvent meubler les chambres comme ils veulent ; ils peuvent même en transformer la structure s'ils en ont envie. cet ami figure ainsi parmi les quelques hôtes qui se tiennent en dehors de la tradition de Procuste. (Il n'est d'ailleurspas difficile de concevoir l'ensemble de la société actuelle comme cette synthèse paradoxale : Procuste étant à lui-même son hôte). lui ne nous force pas à nous accomoder à un espace éventuellement porteur d,une atmosphère adaptée à un personnage qui nous est étranger, ou hostile. Il ne nous réduit pas à un habitat impersonnel, comme on qualifie la mauvaise chambre d'hôtel ; ni à un habitat aménagé pour une catégorie d'hommes, conçue en fonction de leurs capacités moyennes, comme ce qui est réputé être une bonne chambre d'hôtel.
Un appartement, comme un quartier, conditionne les gens qui l'habitent. Cependant, un appartement pourrait être déterminé par ces gens. il pourrait être leur épreuve, leur miroir. Leur caisse de résonance. Évidemment, si l'on envisage les appartements d'aujourd'hui comme un reflet de leurs habitants, alors il faut dire qu'il y a quelque chose qui va fort mal dans la personnalité de ceux-ci. Et si on les regarde comme l'endroit où certaines parties de cette personnalité devraient se développer, on doit admirer celui qui a pu s'en sortir sans être devenu infirme, sur un point ou sur un autre.
On pourrait admettre, pour mesurer le coefficent d,infirmité atteint en ce sens par un individu, ce test de lui donner un espace plus grand que celui dont il disposait précédemment, pour qu'il le transforme à son image.
Nous ne nous définissons pas comme étant contre la nature. En tout cas, nous sommes contre la ville moderne en tant que somme des différentes techniques de réduction de l'homme. Qu'est-ce qu'on y trouve ? L'appartement de confection, apparence du privé dans la normalisation. La télévision, apparence du contact humain dans l'isolement. Les grands magasins, apparence d'enrichissement dans l'uniformité. Les lieux de distraction, apparence de réalisation de soi-même dans l'abrutissement. Et les rues, avec leur apparent trafic, qui sont les chaînes de l'isolement. La nature était un espace vital, tout comme la ville doit le devenir maintenant, avec nos pouvoirs présents. On a considéré la nature comme satisfaisant des besoins élémentaires, alors que l'on prétend que l'appartement de confection est fait pour satisfaire des besoins supérieurs, c'est-à-dire subtils et diversifiés. Pourtant, il est clair que l'appartement établi pour satisfaire ce modèle officiel d'homme dont on a reconnu le minimum vital de facultés moyennes, ne peut servir à rien d'autre qu'à amputer tout individu réel.
Autefois, on a parlé de la jungle des grandes villes. de nos jours, nous trouvons bien difficilement lesv résidus d'une jungle dans la normalisation organisée et dans l'ennui polychrome. récemment, j'ai entendu parler d'un architecte qui a tout cassé, dans une crise de folie èa ce qu'on prétend, tous les objets de son appartement, le téléphone, l'appareil photographique, sans reculer devant le frigidaire. Son action n'est pas antipathique, mais elle ne peut avoir aucun effet. Nous ne pouvons pas nous limiter èa des actions fragmentaires. un jour, nous aurons les rencontres qu'il faut, et nous trouverons des aventures dans une ville nouvelle, composée de jungles, steppes et labyrinthes d'un nouveau genre.
On trouve la notion de patrie dans les livres d'histoire. Les paroles de ce genre ont été chargées de la promesse qu'il y aurait une correspondance èa la personnalité de chacun dans une relation géographique, dans un milieu. Elles ont mobilisé des pensées et des rêves. la patrie était présentée comme un espace collectif pour les idées et les actions, un contact avec des gens sur un territoire de communauté. Il est clair, aujourd'hui, que notre patrie se trouve partout. ou, plus exactement, notre patrie se trouve nulle part. mais la possibilité de réalisation d'une communauté est représentée par les situationnistes quand ils s'efforcent d'expérimenter des bases d'urbanisme unitaire. L'aliénation ne peut être combattue que lèa où l'on peut se retrouver soi-même, se former soi-même.
Les situationnistes ne sont pas cosmopolites. Ils sont des cosmonautes. Ils osent se lancer dans des espaces inconnus, pour y construire des îlots habitables pour des hommes non réduits et irréductibles. Notre patrie est dans le temps (dans le possible de cette époque). Elle est mouvante.
Évidemment, nous n'avons pas à faire un quelconque retour à la nature, de même que nous n'avons eu à perdre aucune patrie, de même que nous ne voulons pas restaurer l'ancienne hospitalité ou les jeux naïfs. Il s'agit plutôt de reconnaître les situations indispensables de la vie, pour les reproduire à un niveau supérieur.
Uwe LAUSEN, « Répétition et nouveauté dans la situation construite », Internationale Situationniste, bulletin central édité par les sections de l'Internationale situationniste, numéro 8, janvier 1963 (La rédaction de ce bulletin appartient au Conseil Central de l'I. S. : Michèle BERNSTEIN, Guy DEBORD, Attila KOTANYI, Uwe LAUSEN, J. V. MARTIN, Jan STRIJBOSCH, Alexander TROCCHI, Raoul VANEIGEM)
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Væk med kunstspecialisterne
Den radikale udrensning, der har fundet sted i S. I. indenfor de sidste måneder, har ført til nogen forvirring, først og fremmest naturligvis blandt dem, der kun havde en svævende eller forkert forestilling om S.I.'s teorier og mål. Man tør vist sige, at nogle af de udelukkede tilhørte denne gruppe.
Det må understreges endnu en gang: S. I. er ikke nogen kunstnersammenslutning; for S. I. er spørgsmålet om fri kunstnerisk udtryksmåde et historisk, forlængst overstået problem. De udelukkede var fortrinsvis folk, der - i modsætning til S. I. 's entydigt formulerede teorier - var tilfredse med at deltage i en specialiseret sektor af den nedadgående kultur (i dette tilfælde den »kunstneriske« sektor) og brugen af etiketten avantgarde, d. v. s. betegnelsen « situationist ».
Alle kunstnere får i dag priser og legater, selv når de laver eksperimentel eller avantgardistisk kunst. Denne betaling får de dog ikke for deres arbejde inden for den sektor af kunsten, der er ufarlig for det gamle samfund, men langt snarere, fordi de giver afkald på at arbejde udfra et mere omfattende synspunkt. Vi behøver blot at se på retsprotokollen vedrørende processerne mod situationisterne i Tyskland. Deri står: "Spørgsmålet om kunstens uindskrænkede frihed kan lades ude af betragtning. Heftet (S.I.'s) skulle nemlig fremkalde virkning ikke blot på kunstens område, men også i det praktiske liv. Heftet omhandlede altså en meningstilkendegivelse, der i henhold til grundlovens artikel 5, 2. afsnit, er underkastet de almindelige loves skranker, altså også straffeloven. Disse skranker er de anklagede brudt igennem".
Ja, det er virkeligheden dette, det drejer sig om. Eksperimenter inden for dele af kulturen belønnes, for en skabervilje, der lader sig stille tilfreds hermed, kan kanaliseres, bindes og absorberes af det kristeligt-kapitalistiske samfund. Men når det drejer sig om hele samfundslivet, hedder det: "Ingen eksperimenter !" (det tyske katolske partis resultatrige slogan). S. I. frygtes, fordi den har sat sig den eksperimentelle omskabelse af hverdagen som mål. En sådan bevægelse kan ikke bindes, den må bekæmpes.
I "I.S." nr.3 hedder det : "Enhver kunst, der klamrer sig til en forgangen kunstnerisk frihed, er på forhånd fortabt. Fremtidens frie kunst er en kunst, der behersker og udnytter konditioneringens hele nye teknik. Udenfor dette perspektiv findes kun slaveriet af det kommercielle og den kunstigt genoplivede fortid". S. I. har udelukket de medlemmer, der ikke har forstået dette i dets fulde konsekvens, for at bevare sin revolutionære slagkraft. Man foreholder derpå situationisterne, at de er politikere. Måske har man antaget, at en antipolitisk holdning indebærer en absolut fornægtelse af det politiske element i alle revolutionære handlinger. En sådan naiv opfattelse overser, at en resultatrig bekæmpelse, en produktiv kritik al en specialsektor består i, at man integrerer, benytter og overskrider de muligheder, den skaber. Et "nej" til denne uddøende kultur, som ikke er dialektisk, betyder kun anerkendelse af og fortsat eksistens for denne kultur.
Vor arbejde er ikke en kunstners, en sociologs, en politikers, en videnskabsmands arbejde. En international sammenslutning af situationister er langt snarere en sammenslutning af alle dem, der tilbagekræver retten til et arbejde, som de sociale betingelser nu lænker; altså som et forsøg på organisering af professionelle revolutionære indenfor kulturen (Debord).
Dette er en kendsgerning, hvis eksistens selv den sidste ignorant snart må anerkende.
Uwe LAUSEN, « Væk med kunstspecialisterne », Situationistisk Revolution nr. 1, 1962.
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